Plus grandir est le
premier clip scellant la collaboration entre Mylène Farmer et Laurent
Boutonnat.
En
effet, c'est d'une part la première chanson dont les paroles ont été
écrites par la chanteuse. Mais de plus, Mylène a collaboré de façon
étroite à l'élaboration de ce clip, puisqu'elle en a co-écrit le
scénario et réalisé le story-board.
Plus
grandir plante certaines thématiques qui ne quitteront
plus le duo :
angoisse face à la fuite du temps et à l'idée de vieillir, attrait pour
le monde de l'enfance, attirance pour la sexualité et toutes les
ambigüités que cela soulève ...
Le clip |
Réalisé par : Laurent Boutonnat
Année : 1985
Durée :
7'32
Lieux du
tournage : studios Sets à Stains (Nord de
Paris), et au cimetière de Saint Denis
Coût : 50
000 euros
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Pour tout savoir de
l'histoire, et mieux apprécier le clip ... |

Le
clip débute dans un cimetière. Une jeune femme poussant un landau
vide (pour signifier le deuil de la jeunesse) déambule dans
les allées vides du cimetière. Elle est entièrement vêtue
de noir, seuls ses gants, rouges, contrastent avec ses vêtements
sombres. C'est alors qu'elle s'arrête devant une tombe, sur laquelle il
est écrit "Mylène Farmer Plus grandir". De cette inscription émergent
quelques uns de ses souvenirs, dans lesquels nous nous plongeons ...

Nous
retrouvons la jeune fille lorsqu'elle était enfant, elle porte un
pyjama en satin de couleur rouge. Alors qu'elle se réveille, elle se
rend compte que sa bouche est ensanglantée, alors qu'aucune trace de
blessure n'apparaît sur son corps.
Elle se saisit ensuite
de sa poupée, qui porte elle aussi un haut rouge. Ce vêtement et le
pyjama de Mylène contrastent fortement avec les couleurs sombres et
ternes de la pièce où elle se trouve.
Une fois que l'enfant a saisi la poupée, elle tente de la noyer dans un
baquet rempli d'eau.
On
aperçoit alors Mylène agenouillée devant une statue de la Vierge, en
train de prier et de pleurer. Sa poupée, comme si elle était vivante,
tourne la tête vers l'enfant.

La scène suivante semble évoquer un
souvenir encore plus lointain. Dans ce souvenir, un homme entre
discrètement dans la pièce, alors
que Mylène est endormie, un rat se promenant sur son épaule. Dehors,
l'orage gronde. La jeune fille aperçoit l'homme et tente de lui
échapper, en vain.
Cet
homme semble représenter le "désir sexuel naissant". Ainsi, au départ,
Mylène tente de résister aux assauts de cet homme, sans y parvenir. La
statue de la Vierge se cache alors le visage avec ses mains. Mais par
la suite, la jeune fille semble prendre goût à la chose, expérience qui
se fait sous le regard de deux nonnes, qui ne semblent pas approuver ce
comportement. ( Le fait que les nonnes soient naines
représente la transcription des termes "plus grandir" au sens
propre : les deux nonnes n'ont pas grandi, non par choix, mais par
obligation.) 3

C'est
ainsi que l'on retrouve Mylène, agenouillée, vêtue d'une chemise
blanche, face aux deux naines nonnes. Elles réprimandent l'enfant, lui
donnent des coups de pied et la tapent avec une baguette en bois en
lui lisant, semble-t-il, des passages de la Bible.

Nous retrouvons ensuite Mylène, qui se tient le ventre. Elle semble
tordue de douleur. Pendant ce temps, sa poupée sourit.
Elle tente, encore une fois, de la supprimer. Elle se saisit d'un
couperet, et lui tranche un bras. (Elle ne lui coupe qu'un "petit bout"
: voir ci-dessous, à propos de l'évocation de la perte de la
virginité) C'est alors que Mylène comprend, que, contrairement à elle,
sa poupée ne vieillira jamais.

Mylène se met à tournoyer sur elle-même, se mêlant parfois aux fins
rideaux blancs. Plus elle tournoie, plus des rides apparaissent sur son
visage. Elle heurte aussi plusieurs fois des toiles d'araignée. Enfin,
nous apercevons la désormais veille femme, accoudée à la fenêtre. Une
colombe vient se poser près d'elle, "comme
une communion, comme la paix avec soi-même"3.

Enfin, nous retrouvons Mylène dans le cimetière. Elle jette sur la
tombe le petit bouquet de fleurs qu'elle avait apporté et s'en va.
Cependant, sa poupée se trouve derrière elle. Il semble ainsi que
Mylène ne se soit pas sortie indemne de cette "phase onirique",
puisqu' "elle
extrait de son cauchemar la poupée qui s'installe définitivement
dans le réel."3
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Quelques pistes pour en savoir
un peu plus ... |
1. Peur de vieillir et
perte de la virginité
On peut lire de deux façons
différentes le texte de la chanson1 :
-
la chanson semble raconter, de prime abord, l'angoisse d'une petite
fille face à la vieillesse et à la mort. C'est pourquoi elle ne veut
plus grandir pour "pas mourir, pas souffrir".
- on peut aussi
penser à l'évocation en filigrane de la perte de la virginité. En
effet, l'expression "petit rien petit bout, de rien du tout" pourrait
décrire l'hymen d'une jeune fille, or celui-ci aurait "pris ses
jambes à son coup".
C'est d'ailleurs ce que semble évoquer Laurent Boutonnat à travers le
clip : en effet, le passage à l'âge adulte de Mylène semble être entamé
lorsqu'elle embrasse son agresseur en semblant y trouver un certain
plaisir. Par ce passage à l'âge adulte, on comprend aussi que la
virginité est désormais perdue.
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2. La poupée de Mylène3
Il est intéressant de se
demander pourquoi Mylène traite de manière si violente sa poupée.

Si Mylène souffre, c'est parce
qu'elle grandit. D'ailleurs, elle chante : "j'veux plus grandir, (...)
pour pas mourir, pas souffrir".
Si Mylène cherche à violenter sa poupée, c'est parce que celle-ci ne
vieillira pas.
Par ailleurs, il
est intéressent de noter que la poupée, au long du clip, change
d'expression. Alors qu'elle paraît mécontente, et même triste au début,
elle affiche ensuite un certain sourire, quasiment sadique.
Et si cette
poupée représentait une métaphore du temps ?
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3. Un lien évident avec
la chanson "L'annonciation"
Paragraphe en construction ...
1. Voir l'article
"rétro / plus grandir ", de Yannick Sanchez, in Mylène Farmer et vous,
n°3
2. In Antoine Bioy, Benjamin Thiry,
Caroline Bee, Mylène
Farmer, La part d'ombre, Archi Poche.
3. Idées plus que suggérées par
l'excellent site Autopsie : http://jodel.saint-marc.club.fr/index.htm
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